Fiction historique

Je, François Villon, tome 3 : Je crie à toutes gens merci

je-francois-villon-tome-3

Titre : Je crie à toutes gens merci
Série : Je, François Villon, tome 3
Scénariste et dessinateur : Luigi Critone
Éditeur : Delcourt
Date de publication : 2016 (novembre)

Synopsis : François Villon aura tout expérimenté de l’art de la subversion. Aucune règle ni aucun sentiment, même les plus naturels en apparence, n’auront pu éviter une remise en cause par son esprit fort et rebelle. Aucune fréquentation enfin ne l’aura rebuté, quand bien même elle serait désastreuse pour sa réputation. Il fut rejeté, banni, mais reste aujourd’hui encore l’un des plus grands poètes de notre histoire.

Note 3.5

Frères humains qui après nous vivrez ! N’ayez les cœurs contre nous endurcis. Car si pitié de nous pauvres avez, Dieu aura plus tôt de vous merci !

 

Ils sont loin, désormais, le jeune étudiant qui collectionnait les frasques plus ou moins bon enfant, et le mercenaire sans pitié qui violait et volait sans manifester guère de remords. Dans ce troisième et dernier album, François Villon n’est plus que l’ombre de lui-même, au point que certains de ses admirateurs ont du mal à croire qu’il s’agit bien de l’irrévérencieux poète. « -Tu sais ce qu’il ferait François Villon ? », lui demandera-t-on un soir. « Mais tu m’emmerdes. C’est moi Villon ! », lâchera l’intéressé avec colère. Il faut dire que le traitement subi dans les geôles de l’évêque d’Orléans ont considérablement miné le pauvre homme. Affaibli, prématurément vieilli, sans argent ni protecteur, Villon se résout à regagner Paris où le souvenir de ses précédentes incartades restent pourtant vivaces chez certains. Là, finis les banquets et les orgies, terminée les tournées des bordels et des tavernes : le poète semble n’avoir plus goût à grand chose et se lance alors dans la rédaction de l’une de ses œuvres les plus connues : le Testament. En dépit des remords manifestés par l’écrivain qui a désormais bien mauvaise mine, le lecteur a du mal à compatir au sort de celui qui, lors du précédent album, c’était rendu coupable des pires crimes, sans apparemment en éprouver le moindre regret. Le sort atroce réservé à la pauvre Isabelle de Bruyère est notamment difficile à oublier, et le bref aperçu que l’on a ici de la belle, des années après les faits, ne participent pas à redorer le blason du poète.

FRANCOIS_VILLON_3_CS6.indd

Alors que le précédent tome insistait presque exclusivement sur la légende noire entourant le personnage, ce troisième volume fait preuve de davantage de nuances et adopte un ton presque mélancolique, à l’image de l’état d’esprit du personnage. Assagi, le poète finit toutefois par être rattrapé par son passé et par les ennuis : impliqué dans une rixe qui tourne mal, le voilà bientôt à nouveau emprisonné en compagnie de trois de ses camarades. C’est à cette occasion qu’il compose sa fameuse « Ballade des pendus », texte qui accompagnera ses compagnons à l’échafaud, à défaut de lui-même puisqu’il sera finalement le seul à échapper à la corde. « Toi qui n’en as plus besoin, est-ce que je peux prendre cette « Ballade des pendus » qui traversera les siècles ? On la clouera au pilier près de mon nœud coulant ! Les copains ne vont pas en revenir : François Villon a écrit « l’épitaphe de Roger ». Maintenant je peux mourir ! » On reconnaît bien là l’ironie mordante et la cruauté dont fait souvent preuve Jean Teulé et que Luigi Critone se réapproprie ici avec talent. Ses graphismes ne manquent eux aussi pas de charme et baignent dans une lumière tour à tour brunâtre ou bleue qui renforce le caractère tragique des événements racontés. Exilé pendant dix ans, François Villon quittera Paris en 1463 et ne reparaîtra plus. Ses œuvres, en revanche, rencontreront un incroyable succès que les extraits qui parsèment l’ouvrage nous permettent d’apprécier, ceux-ci proposant un bon aperçu de la qualité de la prose du jeune homme.

Je, François Villon tome 1

Un troisième tome plus nuancé et teinté de tristesse mettant un terme définitif aux frasques et à la créativité de François Villon qui connaît ici une métamorphose saisissante. Pari réussi pour Luigi Critone qui reste ici fidèle au ton du roman de Jean Teulé et propose un bel aperçu de la prose du poète à qui il convient de donner le mot de la fin : « Aux chartreux et aux célestins, aux mendiants et aux dévotes, aux flâneurs et aux élégants, aux serviteurs et aux filles légères (…), aux putains qui dévoilent leurs seins pour avoir plus de clients, aux voleurs, aux fauteurs de troubles, aux bateleurs qui exhibent des guenons, aux fous et aux folles, aux sots et aux sottes (…) : je crie à toutes gens merci. »

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.