Science-Fiction

Le club des punks contre l’apocalypse zombie

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Titre : Le club des punks contre l’apocalypse zombie
Auteur : Karim Berrouka
Éditeur : ActuSF
Date de publication : 2016
Récompenses : Prix Julia Verlanger 2016

Synopsis : Les zombies ont envahi Paris. Un groupe de punks décide de profiter de la situation pour faire flotter le drapeau anarchiste sur la tour Eiffel. Mais, dans l’ombre, des rescapés du Medef ourdissent également un plan infernal. Mêlant univers punk et humour, ce roman post-apocalyptique, ode à l’anarchie et à l’amitié, aborde aussi des questions de société.

Note 3.5

Mange-Poubelle peut alors voir que des types armés de fusil sont postés sur les remparts et qu’ils ont des silencieux. Sacré orga, se dit-il, déçu de découvrir qu’une sorte de succédané de l’armée française ou d’organisation paramilitaire a survécu à l’apocalypse. Mais c’était à prévoir. Dans les Appalaches ou dans les plaines du Dakota, il n’aurait pas échappé à la case rednecks survivalistes. La version locale du con armé jusqu’aux ratiches, avec loi du plus fort et zéro projet de reconstruction sociale, est plus terroir et plus respectueuse de la vieille pierre

 

Marre des zombies ? Ras-le-bol de lire encore et encore la même histoire relatant le déferlement de hordes de morts-vivants et le combat des rares survivants ? Moi aussi, et pourtant je vous conseille vivement de vous laisser tenter par « Le club des punks contre l’apocalypse zombie », roman complètement déjanté récompensé lors des derniers Utopiales par le Prix Julia Verlanger. Bon, au niveau du pitch ça reste assez classique (l’apocalypse, les zombies, les survivants, tout ça tout ça…) mais du côté des personnages on a quand même du lourd ! Il y a d’abord Kropotkine (mon petit chouchou), un anarchiste convaincu et capable de vous réciter sans problème du Proudhon ou du Bakounine. Il y a aussi Eva, la grande révoltée du groupe multipliant les combats contre le sexisme, l’homophobie, l’expérimentation animale, le nucléaire… Et puis il y a les inséparables Deuspi et Fonsdé, toujours en train de planer, Glandouille et Pustule, les fameux « punks à chiens » du collectif, et enfin Mange-Poubelle, grand connaisseur de films d’horreur entretenant des rapports conflictuels avec le savon. C’est déjà un peu plus intriguant que d’habitude, n’est-ce pas ? Et bien dites-vous que l’intrigue est à l’image de ses personnages : c’est à dire que c’est le bordel. Seule ombre au tableau (mais qui prend de plus en plus d’ampleur au fil des chapitres), les visions complètement perchées qui assaillent nos héros et qui donnent lieu à une fin certes inattendue mais surtout très décevante.

Ces légers bémols mis à part, il faut avouer qu’on passe un bon moment en compagnie de ces punks bien décidés à instaurer un nouveau fonctionnement et à faire flotter le drapeau anarchiste sur Paris. Après tout, puisque la société était déjà pourrie avant l’apocalypse, pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour se débarrasser des chaînes qui entravent l’humanité ? Le patronat, la consommation à l’excès, l’abrutissement de la population par les médias… : Karim Berrouka tape sans vergogne sur tout ce qui constitue l’essence de notre belle société capitaliste… et ça fait plaisir ! « Deuspi et Fonsdé jubilent. C’est l’anarchie. Ce à quoi Kropotkine répond que non, ce n’est pas l’anarchie, c’est le chaos. Ils confondent tout, encore et encore, n’ont aucune conscience des réalités de la lutte sociale, l’anarchie ce n’est pas péter des rotules de CRS et brûler des commissariats, aussi plaisant que ça puisse être. » On sent que l’auteur a vraiment pris son pied à écrire son roman et son enthousiasme ne tarde pas à se communiquer au lecteur. Un lecteur qui assiste à certaines scènes d’anthologie particulièrement jouissives, à l’image de celle assez surréaliste où Fonsdé s’attaque à une Christine Boutin zombifiée. Sans oublier le passage où nos amis les anciens maîtres de la capitale se retrouvent obligés de détaler la queue entre les jambes en abandonnant leur place forte. Ou encore celui (ou plutôt ceux, parce qu’il y en a pas mal) où les forces de l’ordre en prennent pour leur grade.

Pas sûr que vous soyez susceptible à ce genre d’humour si vous comptez parmi les membres du MEDEF (quoique, on ne sait jamais…), en tout cas pour les lecteurs qui sont sur la même longueur d’onde, c’est un régal. Mais il ne s’agit pas du seul intérêt que possède le roman qui, comme on l’a déjà mentionné un peu plus tôt, fait preuve d’une sacré originalité, Berrouka n’hésitant pas à bousculer un peu la routine de l’histoire de zombie traditionnelle. Le décor, d’abord, n’est pas tout à fait le même puisque l’action prend place dans Paris et met en scène certains de ses monuments emblématiques (qui résistent plus ou moins bien à la fin du monde). Au delà de l’aspect touristique, il est également intéressant de voir l’action se passer dans un pays où les armes à feu ne courent pas les rues : ça pousse les personnages à plus d’inventivité ! Et puis a-t-on déjà abordé dans un roman de ce type les difficultés posées par l’électronisation désormais presque systématique de tout ce qui nous entoure ? Non parce que les voitures à carte et les halls d’immeuble protégés par des portes à badges c’est bien, mais quand le courant finit par tomber en rade ça complique considérablement la vie des survivants. Autre nouveauté, et non des moindres : les zombies sont sensibles à la musique et sont capables d’adopter un comportement totalement différent selon qu’on leur jour du punk, de la musique classique, du rock ou du reggae. Voilà qui ouvre pas mal de perspectives, non ?

 

Dans la même veine que Fabien Clavel qui relatait dans « L’évangile cannibale » les aventures d’un groupe de seniors piégés dans un Paris envahi par les zombies, Karim Berrouka signe un roman qui sort largement des sentiers battus… pour le plus grand plaisir du lecteur qui passe un bon moment à se poiler devant les aventures rocambolesques de cet attachant groupe de punks.

Autres critiques : Blackwolf (Blog-O-livre) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Doris Facciolo (La Magie des mots) ; Jean-Philippe Brun (L’ours inculte) ; Yossarian (Sous les galets, la page)

Critique réalisée dans le cadre du Challenge Francofou 4

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Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

9 commentaires

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