Fiction historique

Paracuellos – Intégrale

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Titre : Paracuellos – Intégrale
Scénariste et dessinateur : Carlos Gimenez
Éditeur : Fluide Glacial
Date de publication : 2009

Synopsis : Cette intégrale ne contient que du Paracuellos : les 2 albums de la série « Paracuellos » et les 4 albums de « Paracuellos » alors inédits.

Note 5.0
 
Coup de coeur

-Hormiga, tu joues ?
-Non.
-Regarde le clou que j’ai trouvé !
-Non. Je surveille le portail. J’attends mon père. Il vient me chercher. Me chercher ! Je vais rentrer à la maison avec mon père à Madrid ! Pour toujours !
-Veinard, quelle chance ? Maintenant il faut voir si c’est pas des mensonges.
-C’est vrai ! Mon père me l’a dit et il m’a jamais menti !
-Et comment tu sais qu’il t’a jamais menti ?
-Parce qu’il me l’a dit !

 

Espagne. Années 1940-1950. Le pays se relève doucement de la guerre civile qui opposa quelques années auparavant les républicains aux nationalistes menés par un Franco victorieux qui dirige désormais l’Espagne d’une main de fer. C’est dans ce contexte que grandit l’auteur, Carlos Gimenez, qui passe la majeure partie de son enfance dans les foyers de l’Assistance publique réservés aux orphelins et aux enfants dont les parents ne peuvent ou ne veulent pas s’occuper. A partir de ses propres souvenirs et des nombreux témoignages qu’il a pu recueillir auprès d’anciens pensionnaires, Carlos Gimenez nous livre avec « Paracuellos » des histoires tour à tour bouleversantes ou hilarantes, regroupées ici par Fluide Glacial en une intégrale de près de trois cent pages. S’il ne s’agit pas à proprement parler d’une autobiographie (l’auteur ayant décidé de mêler toutes les histoires récoltées pour donner naissance à des personnages complètement fictifs), l’ouvrage se veut malgré tout un documentaire réaliste non seulement sur les expériences traumatisantes qu’ont vu vivre ces enfants mais aussi sur la société espagnole de l’époque. Une société marquée par la guerre et la pauvreté qui favorisent toutes deux l’essor de comportements d’une grande violence et dans laquelle l’emprise très stricte de la religion catholique se fait de plus en plus forte. On vous laisse imaginer l’impact désastreux de ce cocktail explosif et malsain sur l’éducation des enfants de l’époque…

« Durant l’été, au collège, les enfants doivent obligatoirement faire la sieste après le déjeuner. [Les surveillants font allonger les enfants en ligne dans la cour] Le soleil tape dur. Le sole est brûlant. Faut rester couché tout droit, le menton relevé, les yeux fermés, sans bouger, sans parler. Aujourd’hui c’est Galvez qui s’est fait piquer le premier. Mais petit à petit d’autres viennent le rejoindre. Perucha pour s’être gratté. Hormiga pour avoir ouvert les yeux. Bonilla pour avoir dit « aïe » quand la guêpe l’a piqué. Galan pour n’avoir pas gardé le menton haut. Enrique pour avoir pissé sous lui. Jaïme pour avoir pété. Zampabollos pour avoir rigolé quand Jaïme a pété. Etcétéra… etcétéra… pour avoir etcétéra… etcétéra… »

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Bastonnades quotidiennes, privation de nourriture, restriction des loisirs, maltraitance physique et psychologique… : voilà un petit aperçu des méthodes employées par les « instituteurs » mis en scène ici. L’ouvrage brosse un portrait glaçant du fonctionnement perverti et assumé de ces établissements qui considèrent leurs pensionnaires comme de vulgaires parasites et non comme des individus, en encore moins comme des enfants. Des enfants qui, en dépit de l’environnement brutal et cruel dans lequel ils sont élevés, se débrouillent comme ils peuvent et pour lesquels on n’éprouve aussitôt une immense tendresse. Il faut dire que l’auteur à le don pour donner naissance à des personnages attachants ! Il y a par exemple Hormiga qui attend jour après jour les visites de son père qui ne se rend au foyer que pour faire les yeux doux à l’une des surveillantes. Il y a aussi le petit Pablito Gimenez qui ne rêve que de devenir auteur de bande dessinée (tient donc) et qui fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour se procurer les derniers numéros de ses séries préférées. Et puis il y a Tonin à qui on inflige des traitements atroces pour soigner ses maux de ventre ; Sancha qui ne rêve que de devenir prêtre ; Péribanez qui se lance dans une terrible vendetta pour venger la disparition de son beau stylo ; et Adolfo, et Felipe, et Galvez… On pleure autant qu’on rit à la lecture des événements graves ou au contraire complètement futiles qui ponctuent le quotidien de ces enfants turbulents qui, en dépit des maltraitances, débordent toujours d’autant de joie et de vie.

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Avec « Paracuelos » Carlos Gimenez rend un vibrant hommage à tous ceux qui, comme lui, ont passé une partie de leur enfance dans ces établissements aux méthodes qui paraissent aujourd’hui complètement ahurissantes. Tour à tour hilarantes, touchantes voire carrément tragiques, les histoires de Carlos Gimenez vous font passer par toute une palette d’émotions fortes qui continueront à vous retourner longtemps après la dernière page tournée. Un chef d’œuvre, tout simplement.

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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