Fantasy

Assassin's Creed [film, 2016]

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Titre : Assassin’s Creed
Réalisateur : Justin Kurzel
Scénaristes : Michael Lesslie, Adam Cooper, Bill Coolage
Acteurs principaux : Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jeremy Irons, Brendan Gleeson, Charlotte Rampling, Ariane Labed
Date de sortie française : 21 décembre 2016

Synopsis : Grâce à une technologie révolutionnaire qui libère la mémoire génétique, Callum Lynch revit les aventures de son ancêtre Aguilar, dans l’Espagne du XVe siècle. Alors que Callum découvre qu’il est issu d’une mystérieuse société secrète, les Assassins, il va assimiler les compétences dont il aura besoin pour affronter, dans le temps présent, une autre redoutable organisation : l’Ordre des Templiers.

Note 1.0

Nous agissons dans l’ombre pour servir la lumière. Nous sommes des Assassins.

Oh-là-là… Clairement, les scénaristes de ce « film » Assassin’s Creed ne savent pas ce qu’ils adaptent, les acteurs ne savent pas ce qu’ils jouent et les producteurs ne pensent qu’à exploiter une franchise connue et reconnue. Habituel me direz-vous ? Eh bien non, il y avait de quoi faire des choses magnifiques avec cette production mais le résultat est malheureusement déplorable. Et ne me sortez pas l’argument « mais c’est un blockbuster, voyons ! », quand on va au cinéma, on espère d’abord voir un bon film !


Un petit point rapide d’abord : que nous promettait ce film ? Selon les bandes-annonces, étaient attendus :
– une adaptation du jeu vidéo, c’est certain
– des combats épiques assurément
– une réflexion sur la domination des sociétés par des petits groupes d’influence
– l’utilisation d’un artefact extrêmement puissant
– une plongée soutenue dans l’Histoire et dans « nos origines » (sous-entendu des personnages, quand même, ne poussons pas trop)
Au bout du compte, le contrat n’est pas du tout rempli !

Tout d’abord, l’adaptation ne contente pas le fan de la franchise que je crois bien être. Les scénaristes ont juste retenu des mots comme « Credo », « Animus » et « Saut de la Foi », mais alors sur l’esprit général et l’utilisation de tout cela, c’est raté. Depuis quand l’Animus est un bras robotique qui projette le sujet en l’air et met ses souvenirs en vidéoscope pour le public attroupé autour ? Depuis quand le Credo se résume à déballer des phrases creuses sans s’immerger dans la psychologie dudit Assassin ? On pourrait croire que les détails référencés sont des allusions mignonnes aux jeux vidéo, mais ce n’est jamais fait à bon escient, le pire étant cette manie du « coucou, on met des aigles partout » : ok, les habitués voient le lien et en plus le héros espagnol s’appelle Aguilar, mais quel intérêt si on ne s’en sert pas ? D’autant que ce n’est pas subtil comme un easter egg classique, c’est répété encore et encore par de longues perspectives où on ne voit plus le paysage mais bien que l’aigle, jamais justifié !

Ensuite, les combats épiques ne sont pas du tout mis en valeur. Après son précédent film, Macbeth, qui était pourtant une réussite, Justin Kurzel a misé ici sur de vastes perspectives sur des citadelles, des paysages magnifiques, certes impersonnels, mais captivants de loin, le tout afin de bien faire ressentir l’ambiance de l’Espagne de la fin du XVe siècle. Malheureusement, quand on se rapproche du combat, cela devient plus compliqué. Pour mettre en valeur le très bon travail des cascadeurs, des chorégraphes et des bonnes idées défouloirs qu’étaient la course en charrettes et l’évasion en pleine ville, le réalisateur choisit quoi ? de zapper les chorégraphies en zoomant sur les visages sans raison et d’intercaler toutes les deux minutes un retour sur l’Animus de nos jours ! Où est l’immersion ? On sent bien qu’il a essayé de placer quelques petits effets comme quelques armes enclenchées en vue subjective, mais c’est le personnage de Cal/Aguilar qu’il fallait mettre en vue subjective, c’est le seul personnage intéressant, il faut qu’on ressente quelque chose pour lui, voyons ! Les plans d’hélicoptère se succèdent de la pire des façons et la réalisation va jusqu’à filmer le fameux Saut de la Foi non pas au-dessus de l’épaule du héros, mais de côté, le laissant tomber d’une manière qui tue complètement l’effet escompté. L’utilisation de la 3D n’est pas floutant comme dans Rogue One, mais on ne peut pas non plus dire qu’elle est utile pour autant, mieux vaut s’en passer. Et si encore la musique originale accompagnait cela parfaitement… Le fait que ce soit Jed Kurzel, le frère du réalisateur, ne me dérange pas automatiquement (il a déjà officié sur d’autres films de son frère comme Les Crimes de Snowtown et Macbeth), mais ici il n’y a ni thème intéressant, ni musique qui accompagne convenablement l’action. Ok, il adore la guitare électrique, mais ce n’est pas une raison pour autant saturer le fond sonore.

Autre souci : où est donc la réflexion sur la domination des sociétés comme les jeux vidéo de la franchise nous y avaient habitué ? D’accord, ce n’était pas profond à chaque épisode, mais au moins les scénarios s’y tenaient. Ici, tout au long du film, je n’ai pas pu dire autre chose que « mais pourquoi ? », voire « pour quoi ? ». En effet, la narration ne s’appuie ni sur une quelconque justification et ne s’embarrasse d’aucune explication non plus : les méchants sont méchants, les gentils sont gentils… Parce que. Il ne faut donc pas s’étonner de voir des personnages hésiter entre les deux camps pour aucune raison. À aucun moment, les Templiers ne disent vraiment qui ils sont, d’où ils viennent et où ils vont. Pire, ils énoncent (au XVe siècle comme au XXIe siècle) leur société secrète comme si cela allait de soi ! D’accord, ils cherchent à « annihiler le libre arbitre », mais un peu de jugeote et de subtilité, que diable !

Ah, et la « Pomme d’Éden » ! On peut déjà sourire d’entendre qu’elle est censée renfermée les « germes de la violence », puis « le codage génétique humain »… bref, en gros, ils ont entendu « génétique » et « violence », ils ont mélangé et ils ont espéré que ça tiendrait. Pourquoi pas… Bien sûr, elle rappelle fortement l’Orbe des premiers jeux et finalement, les dernières minutes nous montrent bien que c’est censé être une arme en fait, pour contrôler les esprits. Mais pourquoi personne ne s’en sert, de cette foutue arme ? C’est là que le « libre arbitre » joue à plein : utiliser l’arme ou pas. Et là, ils occultent totalement cette partie et restent dans le flou pour produire du vide. Évidemment, ça comptera pour certains comme des « allusions » à un monde plus grand, d’autres ennemis potentiels, des « Anciens » qu’il faut prendre en compte, mais juste non ! S’il faut faire comprendre l’importance du Credo des Assassins, il faut le faire en montrant qu’il y a une vraie menace destructrice et dominatrice, mais juste une société secrète qui furète et qui contrôle de grosses entreprises (on a déjà ça chez nous en fait, pas besoin d’être un Assassin pour lutter contre ce pouvoir-là).

Quant est-il enfin de la plongée attendue dans l’Histoire et dans nos origines ? C’est sûrement la plus grosse déception du film pour moi : il y avait un casting charmant à utiliser et seul Michael Fassbender a droit à des moments de bravoure (Ariane Labed est très intéressante aussi, cela dit, mais on ne sait pas du tout d’où elle sort). La franchise Assassin’s Creed s’appuie certes sur un thriller contemporain, mais est surtout faite pour mettre en valeur des périodes historiques précises, et ce de belle façon. Ici, le choix de l’Inquisition espagnole était intéressant, mais à quel moment y croise-t-on des personnages historiques qui planteraient bien mieux le décor que des poncifs éculés comme le bûcher classique de l’Inquisition ? Rappelons tout de même que ce n’est pas à cette période que les bûchers sont les plus fréquents et que l’Inquisition a d’abord comme fonction d’ « enquêter » justement, avant de punir éventuellement. Détail qui a son importance, la ville du XVe siècle n’est jamais nommée ! On se doute que c’est Séville, car Grenade est toujours musulmane et car cette ville sera très rapidement utilisée à la toute fin du film. Ah justement, Christophe Colomb est placé furtivement (les producteurs sont américains, hein ?) mais cette idée fait tellement « deus ex machina » que j’ai de la peine à la mentionner. Et cette fin, cette fin ! Mais comment les scénaristes, réalisateurs et producteurs peuvent-ils nous dire « en fait, on a rien écrit pour terminer, alors on place des scènes complètement tarabiscotées pour que s’il vous plaît, vous veniez voir la suite, s’il vous plaît » !?!

Que garder donc de ce film ? Il y a clairement de bonnes choses à faire à partir de cette franchise ; les cascades, les quelques idées photographiques et ce casting de rêve complètement sous-exploité auraient dû mener à bien mieux. C’est bien simple, sur les cinq premières scènes, quatre sont à enlever car elles sont soit inutiles soit mal exploitées : commencer en prologue par la mort programmée du héros aurait été logique pour une meilleure immersion. Ensuite, le principe de l’Animus permet de faire des allers-retours entre passé et présent, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’immersion : quand on est dans l’Animus, l’Histoire prime et, pourquoi pas, retrouver d’autres acteurs du présent aux côtés de Michael Fassbender pour lier les destins des différents personnages entre eux. Tout simplement, remplir les creux du scénario et de la caractérisation des personnages, même secondaires, aurait été un mieux considérable : quand je repense aux ultimes Assassins retenus eux aussi avec Cal, qu’il est dommage de ne pas en apprendre davantage sur eux, plutôt que de les faire combattre comme des automates, à travers un écran de fumée et sans jamais comprendre ce qu’ils font tous là emprisonnés à attendre un éventuel traître ! Une foule de détails concernant cette prison est là dès le départ et cela ne sert qu’à benoîtement justifier la scène d’évasion (car on sait très bien que réunir des Assassins dans un même endroit ne va pas les garder captifs très longtemps) ; parmi ces détails, le pire est sûrement les lames d’Assassin… Encore un élément jugé capital par les scénaristes, alors elles sont vite introduites et surtout très important il faut que le héros les ait quand il va dans l’Animus (!!!) : oui, vous avez bien entendu, il faut qu’il ait un accessoire pour cette reconstruction virtuelle ! Ajoutez à cela le fait qu’absolument rien n’explique que les autres Assassins soient l), pensent ça ou n’agissent qu’à la toute fin et on aura fait le tour de la majeure partie des éléments aberrants de ce film.

Fuyez donc, pauvres fous ! J’étais déjà dubitatif dès les premières bandes-annonces et finalement ce n’était pas faute d’avoir vu venir cette déconvenue prévisible, car Assassin’s Creed est un résultat déplorable et me dégoûte une fois de plus de l’utilisation de franchises sur plusieurs médias.

Autres critiques : CoffeeQuest ; Nico (L’Écran miroir)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

Aucun commentaire

  • Maned Wolf

    Aïe.. C’est ce que je craignais ! J’hésitais à le voir, tout en me doutant que ce ne serait pas fameux… Mais c’est bien dommage, s’il y a bien un jeu qui a du potentiel au cinéma c’est celui-là !

    • Dionysos

      Carrément ! Et ce cas-là fait partie de l’énorme masse de jeux vidéo qui vont désormais être adaptés : ils ont de super scénarios vidéoludiques, mais cinématographiquement il faut faire de bons choix. Ici, les choix sont mauvais.

      • Maned Wolf

        Le problème c’est souvent que les réalisateurs ne sont pas gamer dans l’âme… alors ils ont leur petite liste de références à placer mais ça ne peut pas suffire, dans un monde idéal il faudrait que toute l’équipe de production soit fan de la license et ce serait déjà un grand pas en avant 🙂

  • amindara49

    Ben… je sais pas, j’avoue que je suis perplexe… J’aime bien ce jeu vidéo (même si je ne les ai pas encore tous fait, n’ayant découvert la franchise que récemment) et je dois avouer que je suis ressortie du film avec des étoiles dans les yeux…
    J’y étais avec un ami qui est un peu comme moi (sauf que lui est rendu plus loin que moi dans les jeux) et qui en a pensé la même chose. On a eu l’impression de bien retrouver le jeu qu’on aimait (mis à part le coup de l’Animus qui est très éloigné de ce qu’on connaissait). Mais on y a retrouvé la lutte entre les Templiers et les Assassins, la course pour trouver la pomme d’Eden, tout ça. Globalement, on a adoré, l’un comme l’autre. Après, mon mari lui n’a pas aimé du tout, mais il ne connaissait pas le jeu donc il a plus ou moins rien compris à l’univers.
    C’est vrai qu’en lisant votre réaction, je me suis dit « ah ouais, c’est pas faux ». Mais moi, toute seule, face à l’écran, je n’ai rien vu de tout ça. Peut-être que je n’en attendais pas plus que ce que j’ai vu ? ou peut-être que je n’ai pas l’esprit assez critique ? Je n’en sais rien. ce que je sais, c’est qu’en ressortant de la salle, je me suis dit « ouah, c’est trop bien ! »… :$

    • Dionysos

      C’est le principal alors ; il vaut toujours mieux sortir avec cette belle impression.
      Moi, j’avoue que trop de choses me sont restées en travers de la gorge au moment même où je les voyais (et j’ai fait la critique dans la foulée).
      Votre mari a eu certainement moins de clés pour comprendre, mais justement je trouve que ça manque car la lutte entre Templiers et Assassins n’est pas du tout expliquée, c’est même carrément zappé en fait. :/

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