Fiction historique

Fleur de tonnerre

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Titre : Fleur de tonnerre
Auteur : Jean Teulé
Éditeur : Julliard
Date de publication : 2013

Synopsis : Ce fut une enfant adorable, une jeune fille charmante, une femme compatissante et dévouée. Elle a traversé la Bretagne de part en part, tuant avec détermination tous ceux qui croisèrent son chemin: les hommes, les femmes, les vieillards, les enfants et même les nourrissons. Elle s’appelait Hélène Jégado, et le bourreau qui lui trancha la tête le 26 février 1852 sur la place du Champs-de-Mars de Rennes ne sut jamais qu’il venait d’exécuter la plus terrifiante meurtrière de tous les temps.

Note 3.0

C’est moi l’Ankou qui se promène à travers la Bretagne et a planté sa faux dans ton cœur, moi qui te ferai le sang aussi froid que le fer.

 

Jean Teulé, ce qui lui plaît, ce sont les faits divers historiques. Dans « Le Montespan », il relatait déjà la liaison entretenue entre Louis XIV et l’une de ses favorites du point de vue du mari cocu. Avec « Mangez-le si vous voulez » c’est le drame de Hautefaye qu’il revisitait, cette échauffourée sordide au terme de laquelle un jeune homme fut mis en pièce par les habitants d’un petit village français du XIXe. Dans « Fleur de tonnerre », c’est une tueuse en série que l’auteur met cette fois en scène. Née en 1803 et guillotinée en 1852, Hélène Jegado est restée dans les mémoires comme l’une des empoisonneuses les plus prolifiques de l’histoire : pendant près de vingt ans, elle écumera la Bretagne en tant que cuisinière, se faisant embaucher dans les presbytères, les maisons bourgeoises et mêmes les bordels dans lesquels elle s’adonne à son mortel passe-temps. Ses employeurs, ses collègues, des jeunes, des vieux, des enfants, des proches, des inconnus… : c’est bien simple, tout le monde y passe. Et le pire, c’est que les soupçons ne se portent que très rarement sur cette jolie domestique servant ses patrons avec dévouement et qu’on va même jusqu’à plaindre : « si c’est pas malheureux de voir ainsi périr tous ses employeurs ! » On ignore aujourd’hui encore le nombre exact des victimes de la cuisinière mais les estimations tablent sur une soixantaine d’empoisonnements dont la plupart sont à l’époque mis sur le compte du choléra et non de l’ingrédient mystère de ses préparations : l’arsenic.

C’est avec sa gouaille et sa crudité habituelles que Jean Teulé retrace pour nous le parcours de cette curieuse meurtrière dont les motivations peuvent sembler bien minces. C’est sans doute pour cela que le roman est peut-être moins réussi que les précédents ouvrages de l’auteur qui se contente presque ici d’énumérer les victimes laissées dans son sillage par l’empoisonneuse sans chercher à vraiment l’humaniser. Le roman se lit malgré tout à une vitesse révélatrice du talent de conteur l’auteur qui n’a pas son pareil pour faire ressortir l’aspect cocasse des situations même les plus tragiques. On se prend ainsi à plusieurs reprises à sourire des réparties glaçantes et ô combien cyniques de la cuisinière devenue l’incarnation de l’Ankou, cette figure redoutée des légendes bretonnes personnifiant la mort. Comme souvent dans ses romans, Jean Teulé effectue un important travail de recontextualisation afin de rendre l’immersion la plus crédible possible au moyen de détails singuliers et souvent scabreux sur le quotidien des habitants de l’époque. Au delà de l’affaire Jegado, le roman témoigne par exemple de l’importance dérangeante accordée aux superstitions et légendes dans la Bretagne du XIXe, mais aussi du fonctionnement de la justice de l’époque ou encore du développement de certaines théories à la mode comme la phrénologie (hypothèse selon laquelle la forme du crane d’une personne serait révélatrice de sa personnalité, notamment dans le cas des meurtriers).

 

Avec cette biographie romancée d’Hélène Jegado, Jean Teulé opte une fois encore pour un sujet original dont on aurait pu espérer un traitement plus profond mais qui parvient tout de même à capter l’attention du lecteur, aussi bien en raison de la fascination morbide qu’exerce l’affaire que grâce à la gouaille si particulière de l’auteur. Sans doute pas le meilleur Jean Teulé mais un bon roman malgré tout.

Autres critiques : Belette (The Cannibal lecteur)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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