Polar - Thriller

Atomes crochus

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Titre : Atomes crochus
Auteur : David S. Khara
Éditeur : J’ai Lu (Policier) (fiche officielle)
Date de publication : 5 octobre 2016

Synopsis : Aéroport de Fort Worth, Dallas. Deux voyageurs essoufflés viennent de rater leur vol pour Paris et se le reprochent mutuellement : Enzo Meazza, un criminel en col blanc tout juste sorti de prison, et Janet Livingston-Pierce, ingénieur en déplacement professionnel. L’avion explose quelques secondes après son décollage…
À peine remis du choc, ils sont pris pour cible par des hommes armés. Pourquoi en ont-ils après eux ? Leur commanditaire serait-il le mystérieux Griffon traqué par le FBI depuis des années ?
Une seule certitude : Janet et Enzo n’auraient jamais dû se rencontrer…

Note 3.5

Il réalisa alors à quel point la dénomination d’ « homme le plus puissant du monde libre » n’était qu’une mascarade, et les dirigeants élus, des baudruches manipulables à l’envi. Les grands idéaux politiques martelés lors des meetings de campagne devant des foules hystériques ? Du théâtre. Les discours passionnés et poignants sur la grandeur de la patrie ? Une tartuferie.
Le seul idéal qui valait, l’unique vrai fondement de la politique n’était pas une philosophie, et moins encore une conviction. Non, l’alpha et l’oméga de cette sacro-sainte politique, la clef du pouvoir, se palpait, se manipulait avec fièvre, s’empilait en liasses dodues et portait un nom à faire saliver les légions tombées en son nom : le dollar.

Une fois n’est pas coutume, mais peut-être est-ce appelé à le devenir, la sortie d’un nouveau thriller de David S. Khara s’est faite directement en version poche. Cette publication inédite chez les éditions J’ai Lu est ainsi l’occasion de profiter tout de suite au format poche (et à petit prix aussi) d’une nouvelle enquête/course-poursuite à la sauce Khara (épicée !).

Après un prologue relevant à moitié de l’actualité baskettistique et du fait-divers nucléaire, le roman Atomes crochus s’ouvre sur une scène de stress total à l’aéroport Fort Worth de Dallas : au comptoir d’Air France, deux personnes sont en train de voir leur vol leur passer sous le nez. À ma gauche, Janet Livingston-Pierce, ingénieur britannique et inspectrice d’infrastructures énergétiques, elle termine un séjour professionnel et arbore un chignon strict et le tailleur qui va avec ; à ma droite, Enzo Meazza, dandy rital avec l’allure et le vêtement qui correspondent, ancien avocat d’affaires et accessoirement tout fraîchement sorti de prison après cinq ans à payer derrière les barreaux les fraudes financières qu’il avait organisées jadis. Autant vous dire que ça chauffe à la guérite aéroportuaire ! mais sûrement pas autant qu’au moment du décollage dudit vol qu’ils viennent de rater, celui-ci explosant tout bonnement et simplement en projetant ses débris vers nos protagonistes. Rien ne s’arrange quand ils sont pris en chasse par un autre duo, de mercenaires chargés de leur assassinat ce coup-ci, sans savoir s’ils peuvent bien faire confiance à la police ou au FBI qui cherchent eux aussi à leur mettre la main au collet.

C’est sur cette folle entrée en matière que l’organisation carré de ce roman se met en branle : les chapitres s’enchaînent vite car ils sont courts et intenses, tout en variant les points de vue de différents personnages ; les dialogues volontairement sans fioritures et les références répétées à des monuments audiovisuels américains (du petit comme du grand écran, de X-Files aux Experts en passant par Les Hommes du Président et Extrême préjudice) favorisent grandement l’immersion du lecteur. Les deux personnages principaux qui vont être ballottés de ruelles sombres en motels à peine accueillants sont la réussite du roman : le duo qui ne peut pas se blairer au départ doit apprendre à se soutenir dans ces mauvais moments et l’écueil qu’on pouvait craindre avec le macho de service et la demoiselle en détresse est très vite écarté pour approfondir autrement la psychologie de ces deux cibles. L’illustration choisie pour la couverture ne représente pas forcément notre duo de choc, mais fait le travail.

Certains auteurs de « romans policiers » (qu’ils soient en fait des polars, des thrillers, des romans noirs ou toute autre chose) ont pour habitude de se focaliser sur l’horreur des crimes, d’autres sur le quotidien de l’assassin, d’autres enfin sur les techniques d’investigation ; David S. Khara, dans ce roman, penche davantage vers la critique sociale, simple mais diablement efficace et prenante dans notre société mondialisée : quand il y a un méfait politique, il l’énonce ; quand il y a une magouille financière, il la dénonce, c’est aussi simple que cela. L’engagement politique de ce roman est très appréciable, puisqu’entre la corruption des campagnes électorales les plus médiatisées, la mise sous tutelle des sociétés démocratiques par une minorité de technocrates trop liés aux plus grosses firmes multinationales et le pouvoir constant de l’argent qui mène inévitablement aux catastrophes économiques, écologiques et sociales, l’auteur a tapé là où ça fait mal. Bien sûr, quand on suit raisonnablement les actualités avec un minimum d’esprit critique, on ne peut que difficilement s’étonner du combat mené dans ces pages, mais ce léger aspect prévisible des événements n’enlève pas grand-chose au suspense.

En somme, Atomes crochus est un thriller efficace qui se démarque par un duo de protagonistes réussis et un cynisme à toute épreuve sur notre société sclérosée qu’il faudra bien soigner un jour.

Voir aussi : Interview de l’auteur sur Alter1fo

Autres critiques :

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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