Récit contemporain

Les Vieux Fourneaux, tome 1 : Ceux qui restent

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Titre : Ceux qui restent
Série : Les vieux fourneaux, tome 1
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Paul Cauuet
Éditeur : Dargaud
Date de publication : 2014
Récompenses : Prix des libraires 2014 (meilleur album) ; Prix du public Cultura 2015

Synopsis : Pierrot, Mimile et Antoine, trois septuagénaires, amis d’enfance, ont bien compris que vieillir est le seul moyen connu de ne pas mourir. Quitte à traîner encore un peu ici-bas, ils sont bien déterminés à le faire avec style: un oeil tourné vers un passé qui fout le camp, l’autre qui scrute un avenir de plus en plus incertain, un pied dans la tombe et la main sur le coeur. Une comédie sociale aux parfums de lutte des classes et de choc des générations, qui commence sur les chapeaux de roues par un road-movie vers la Toscane, au cours duquel Antoine va tenter de montrer qu’il n’y a pas d’âge pour commettre un crime passionnel.

Note 5.0
 
Coup de coeur

-Pierre Mayou ? J’ai lu votre dossier aux archives ! 1954 ? Le sabotage de la chaîne de conditionnement !
-Pas sabotage : duel pour l’honneur.
-Un an de prison qu’il a fait, mon Pierrot. On lui a dit un jour qu’une machine ferait mieux le travail que lui, alors il a défié ladite machin en combat singulier. A la masse de chantier. Victoire par K. O. au premier round.

 

Une bande dessinée sur le troisième âge, ça vous tente ? Dit comme ça peut-être pas, pourtant vous auriez tort de vous en priver tant les trois seniors mis en scène ici valent le détour. Jugez plutôt. Il y a d’abord Antoine, ancien syndicaliste venant tout juste de perdre sa femme et qui découvre par la même occasion que celle-ci n’a pas toujours été aussi vertueuse qu’il le croyait. A la poursuite du cocu en colère, on trouve Mimile, sympathique septuagénaire souvent dans la lune mais dont la vie fut bien plus remplie que ce qu’on pourrait penser. Il y a aussi Pierrot, anarchiste convaincu se plaisant à foutre le bordel dans les soirées branchées avec un collectif de vieillards aveugles baptisé « Ni yeux, ni maîtres ! ». Et puis il y a Sophie, la petite fille de Pierrot, qui ressemble terriblement à sa grand-mère et qui se retrouve bien malgré elle embarquée dans les aventures rocambolesques de ces seniors en crise. Trois septuagénaires et une jeune femme enceinte de sept mois : un sacré quator, il faut l’admettre ! Un scénario comme celui-là, il n’y avait que Wilfrid Lupano pour y penser. Entre « Traquemage » (de la fantasy fromagère), « Un océan d’amour » (une bande dessinée sans texte) ou encore « Azimut » (de la fantasy pure et dure), ce n’est généralement pas l’originalité qui manque, et ce premier tome des « Vieux fourneaux » ne fait pas exception à la règle. Les graphismes de Cauuet sont quant à eux en parfaite adéquation avec le ton du récit et illustrent avec beaucoup d’humour les « petits » tracas de la vieillesse.

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Mais vous l’aurez sûrement compris, ce qui fait avant tout le charme de cette bande dessinée c’est l’humour désarmant dont font preuve les personnages. Entre Émile qui réagit systématiquement en décalage à ce qui se passe autour de lui, Antoine et son langage plutôt fleuri, et bien sûr Pierrot et ses farces révolutionnaires, il y a franchement de quoi se marrer. « -Ah oui, Antoine m’a dit que tu faisais le con avec des aveugles. -Des non voyants anarchistes ! « Ni yeux ni maître », qu’on s’appelle ! On fait du terrorisme situationnel, c’est bidonnant. On s’incruste dans les réceptions, les soirées branchées, les cocktails, les réunions politiques, et pis on fout le boxon ! Que des handicapés et des vieux, méchants comme des teignes. -Tu comptes faire chier le monde encore longtemps ? -Le plus longtemps possible, oui. Qu’est ce que tu veux faire d’autre ? Il n’y a plus guère que le système qu’on peut encore besogner. Du coup ma libido s’est reportée sur la subversion. C’est ça ou moisir du bulbe. » La jeune Sophie n’est d’ailleurs pas en reste, l’occasion pour Lupano de régler ses comptes avec la génération nous ayant précédé et dont le bilan n’est effectivement pas des plus reluisant (même si le notre ne sera probablement guère mieux…). Si l’ouvrage séduit à ce point c’est d’ailleurs en grande partie grâce à son côté subversif qui permet à l’auteur d’aborder d’importants sujets de société, de la mondialisation à la répartition des richesse en passant par la surexploitation, le commerce des entreprises pharmaceutiques… (« Quand on fait fortune en fabriquant des antidépresseurs, forcément, un monde de merde, ça fait rêver… »).

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Lupano et Cauuet signent avec ce premier tome des « Vieux fourneaux » une bande dessinée désopilante, bourrée d’humour et d’émotion. Les aventures d’Antoine, Mimile, Pierrot et Sophie ne s’arrêtent heureusement pas là, et on ne peut qu’en être ravi tant leur effet sur le moral du lecteur est miraculeux. Un énorme coup de cœur !

Voir aussi : Tome 2 ; Tome 3 ; Tome 4 ; Tome 5 ; Tome 6

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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