Fantastique - Horreur

Mother London

Mother London

Titre : Mother London
Auteur : Michael Moorcock
Éditeur : Denoël (collection Lunes d’encre) / Folio SF
Date de publication : 2002 / 2007

Synopsis : Mary Gasalee, David Mummery, Josef Kiss…Tous les trois sont fous. C’est en tout cas ce que veut faire croire la bonne société londonienne qui ne cessera de les abrutir de médicaments ou de les enfermer sous prétexte qu’ils entendent des voix. Et s’ils n’étaient pas si fous que ça ? Et si les secrets, l’esprit de Londres leur étaient réellement dévoilés grâce à ce pouvoir incompréhensible qui leur permet de lire les pensées des gens qu’ils croisent ? De 1940 à la fin des années quatre-vingt, de l’Angleterre du Blitz à celle de Margaret Thatcher, c’est leur saga qui nous est contée, indissociable de celle de cette ville bâtie sur des mythes : Londres. Entre rêve et réalité, histoire et fiction, Michael Moorcock livre avec Mother London une transfiction remarquable, hommage à Londres et au pouvoir de la littérature, qui puise sa source, entre autres, chez Virginia Woolf et James Joyce. Probablement son chef-d’œuvre.

Note 3.5

Il a souvent cette vision agréable et banale. Comme si Londres était un pivot autour duquel tout était en rotation, une force stabilisatrice, civilisatrice et progressiste qui influence les comtés avoisinants, la totalité du pays et pour finir l’Empire, et par cet Empire, le monde entier ; une ville plus puissante que toutes celles ayant existé et peut-être plus puissante que celles à venir, car New York ne peut rivaliser avec elle, pas plus que Washington ou toute autre cité. Londres est la dernière capitale des grandes civilisations et les nouveaux empires seront fondés sur des idéaux et des croisades, de pieuses abstractions. L’âge d’or des puissances urbaines a atteint son expansion et entre par conséquent dans une phase de régression qui s’éternisera jusqu’au jour où, comme Athènes et Rome, son souvenir sera devenu plus grand et durable que ses pierres.

 

Considéré comme LE chef d’œuvre de Michael Moorcock (auteur pourtant davantage réputé pour son célèbre « Cycle d’Elric »), « Mother London » est un roman incontestablement ambitieux puisqu’à travers le récit de la vie de trois personnages, l’auteur entreprend de nous livrer un véritable portrait de la ville de Londres des années 1940 à 1980. Le lecteur est donc invité à suivre la route de Mary Gasalee, David Mummery et Josef Kiss, trois protagonistes atypiques souffrants de troubles psychologiques qui se manifestent par des voix inconnues résonnant sans arrêt dans leur tête. Mais sont-ils vraiment fous ? Et si ces voix n’étaient pas le fruit de leur imagination mais les échos de la ville elle-même et des habitants qui la peuplent ? Dès les toutes premières pages, Moorock déstabilise son lecteur qui a bien conscience qu’il va devoir redoubler d’attention et de patience pour bien comprendre là où veut nous emmener l’auteur. Et pourtant, même ces efforts ne suffisent parfois pas. Car si j’ai effectivement apprécié cette lecture, j’ai parfaitement conscience d’être passée à côté de la majorité du roman. Moorcock y tisse en effet une toile incroyablement complexe dans laquelle les personnages ne cessent de se croiser et de se recroiser, souvent sans qu’on ne s’y attendent, parfois sans qu’on y ait prêté attention avant qu’un détail ne vienne ne nous le rappeler. Il faut dire aussi que l’auteur accentue la difficulté en optant pour une construction complètement décousue chronologiquement qui rend les personnages souvent difficiles à suivre. Les références à l’histoire et à la géographie de la ville de Londres sont quant à elles trop nombreuses, trop pointues et seul un lecteur qui connaîtrait la capitale anglaise comme sa poche pour l’avoir arpentée depuis des années serait, à mon sens, à même de bien saisir la profondeur et l’ingéniosité du tableau que nous peint ici Moorcock.

Car il s’agit incontestablement d’un magnifique portrait qui est ici brossé de la ville de Londres que l’on regarde changer et évoluer bien davantage que les protagonistes eux-mêmes. L’auteur souligne notamment l’importance des conséquences du Blitz, non seulement les destructions matérielles mais aussi le traumatisme psychologique qu’il a entraîné chez la plupart des Londoniens après la fin de la guerre. Les chapitres consacrés à cette période sont d’ailleurs ceux qui m’ont le plus captivée, sans doute parce que je n’ai pu m’empêcher de penser alors aux romans de Connie Willis consacrés eux aussi à cette période spécifique de l’histoire de l’Angleterre. J’ai également été particulièrement sensible aux passages dédiés aux méthodes avec lesquelles nos trois protagonistes ont pu être traités tout au long de leur vie pour leur « folie ». Fonctionnement des asiles, médicaments prescrits et leurs effets parfois dramatiques, condescendance des médecins envers leurs patients, expérimentations douteuses envisagées…, les détails dont fourmillent l’ouvrage témoignent là encore du colossal travail de recherche qu’a du entreprendre l’auteur afin de donner pleinement vie à sa création. Car au-delà des sujets déjà évoqués, l’auteur aborde également avec une minutie incroyable la question de l’évolution des styles musicaux dans les années 60-70, l’immigration et le racisme lattant dans certains quartiers, mais aussi la place des femmes ou encore les rapports entretenus entre les Londoniens et leurs souverains. Mais ce sont surtout des lieux que l’on découvre, des rues, des quartiers, des édifices et surtout des pubs qui possèdent chacun leur propre personnalité et dans lesquels Moorcock nous entraîne en fonction de l’humeur des personnages ou de l’importance de la scène qui va se jouer.

 

Michael Moorcock rend avec « Mother London » un magnifique hommage à cette ville de Londres qui, de décor, en vient à assumer le rôle de véritable protagoniste du roman. Difficile cela dit de toujours bien suivre l’auteur qui nous entraîne dans une toile complexe que je n’ai, pour ma part, pas toujours réussie à bien comprendre. Une lecture exigeante. Peut-être un peu trop…

Autres critiques : Yossarian (Sous les galets, la plage)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

7 commentaires

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