Science-Fiction

Utopiales 2014, Conférence #3 : La SF nous aide-t-elle à mieux comprendre l’Histoire ?

Et si la science-fiction nous aidait à mieux comprendre l’histoire ? C’est la question qui était posée lors de l’une des nombreuses conférences qui se sont déroulées cette année à l’occasion du festival des Utopiales de Nantes. Y étaient présents Fred Blanchard, illustrateur, directeur chez Delcourt de la collection « L’homme de l’année » et co- scénariste de la série « Jour J » ; Anne Fakhouri, romancière dont le dernier ouvrage écrit en collaboration avec Xavier Dollo/Thomas Geha (« American Fays ») vient tout juste de paraître ; Christophe Lambert, écrivain de SFFF et blogueur récemment auteur de l’uchronie « Aucun homme n’est une île » dans laquelle il réinvente le débarquement américain à Cuba ; et enfin Joëlle Wintreberg, auteur de plusieurs romans aussi bien historiques que de science-fiction. Une conférence un peu monotone où l’on a cessé de tourner autour du sujet sans jamais vraiment l’aborder et où les références à des œuvres précises auront été peu nombreuses (celles citées dans ce compte-rendu sont de mon cru).

Affiche Utopiales 2014

 

Ils sont nombreux, les romans de SF à mettre en scène de nouvelles civilisations possédant leurs propres us et coutumes, leur langage, leurs codes sociaux et évidemment leur histoire. Des civilisations dans lesquelles on retrouve beaucoup d’éléments appartenant à notre propre passé, qu’il s’agisse de modèle d’organisation, d’événements ou encore de personnages. Cela ne vaut d’ailleurs pas que pour la science-fiction, comme nous le prouve la saga à succès du moment, « Game of thrones » pour laquelle l’auteur avoue s’être énormément inspiré de la saga historique de Maurice Druon, « Les rois maudits », retraçant l’histoire de la France du XIVe siècle. Et qui dire d’ « Hunger Games » et de ses arènes dans lesquelles on se livre des combats sans pitié, à l’image des gladiateurs de l’empire romain.

Joëlle Winterberg explique être frappée par le fait que beaucoup de personnes ne comprennent pas qu’on puisse écrire à la fois de la SF et des romans historiques, se projeter à la fois dans le futur et le passé. Or, il s’agit de la même démarche de documentation (recherches pointilleuses, souci de réalisme, abondance de termes techniques ou spécifiques à l’époque…). Dans les deux cas, il s’agit d’une métaphore du présent et on explore les mêmes thèmes aussi bien dans les romans historiques que dans les ouvrages de SF. Deux de ses romans, « Les Amazones de Bohême » et « Pollen », traitent ainsi de l’utopie, mais l’une a lieu dans le passé, et la seconde dans le futur. Anne Fakhouri a pour sa part opté pour monde alternatif très inspiré de la culture et du cinéma des années 1920 et dans lequel elle ré-interprète l’histoire des États-Unis. Le point de rupture avec notre histoire : le coming-out des fées au XIXe…

Les amazones de Boheme

Mais là où le lien étroit unissant science-fiction et histoire se fait le plus évident, c’est lorsqu’il est question d’uchronie, c’est-à-dire une réécriture d’un moment de notre histoire après la modification d’un événement, majeur ou non. Un genre pour lequel Christophe Lambert a beaucoup d’affection et une démarche que l’on retrouve dans « Aucun homme n’est une île », ouvrage dans lequel on découvre ce qu’il serait advenu de Cuba et de la révolution du Ché et de Castro si les Américains avaient débarqué à un moment plus propice en 1961. Ce qui intéresse surtout l’auteur dans l’uchronie, c’est le moment charnière, celui de la divergence, et non pas les conséquences sociales, politiques ou économiques que le changement aura causé. S’il veut écrire quelque chose sur la découverte de l’Amérique par les Vikings, il se concentrera sur le moment où ils débarquent sur le Nouveau Monde et non pas sur ce qu’il serait advenu des États-Unis des siècles plus tard si les choses s’étaient passées ainsi.

L’uchronie est un genre littéraire qui a l’avantage de permettre une infinité de possibilité, ce que les auteurs ne se sont pas gênés à exploiter depuis des années. Parmi les meilleurs exemples, il faut évidement citer Connie Willis à qui on doit toute une série de romans futuristes dans lequel les historiens parviennent à remonter dans le temps pour observer une période ou un événement clé de notre histoire : le Moyen Age pour « Le Grand Livre » ; le Blitz pour « Black-out » et « Clear »… Difficile de ne pas également citer Philippe K. Dick et son « Maître du Haut Château », roman dans lequel on découvre un monde alternatif où l’Allemagne, l’Italie et le Japon ont remporté la Seconde Guerre mondiale. D’autres grands auteurs se sont essayés à ce périlleux exercice : Christopher Priest avec « La Séparation », Michel Pagel avec « Le dernier des Francs », et récemment Stephen King avec « 22/11/63 ». Je conseille également à ceux que le sujet intéresse l’anthologie dirigée par Alain Grousset et intitulée « Divergences 001 » dans laquelle plusieurs auteurs français nous proposent des uchronies de leur cru. La bande dessinée n’est pas non plus en reste avec des séries telles que « Jour J » ou encore l’humoristique « Les brigades du temps » mettant en scène deux agents spéciaux chargés de réparer les divergences dans notre histoire.

Blitz tome 1 - Black-out

Et si, après tout, la SF ne faisait que raconter de vastes pans imaginaires de l’histoire de l’humanité… ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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