Fiction historique

Le singe de Hartlepool

Le singe de Hartlepool

Titre : Le singe de Hatlepool
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Jérémie Moreau
Éditeur : Delcourt
Date de publication : 2012
Récompenses : 24e Prix des Libraires de bande dessinée (2012)

Synopsis : En pleine guerre napoléonienne, un navire français fait naufrage au large de Hartlepool. Parmi les débris, un seul survivant: un chimpanzé, mascotte de l’équipage portant l’uniforme tricolore. Mais, dans ce petit village d’Angleterre, où personne n’a jamais vu de Français, l’animal correspond assez bien à l’idée qu’on se fait de l’ennemi. Aussitôt, le singe est traîné en justice, et accusé d’espionnage…

Note 5.0

– Alors voilà, euh, quand le prisonnier était en cellule, on a fait des expériences, par rapport à ce qu’on savait de la cuisine française…
– Et donc ?
– Alors on lui a servi des grenouilles… et il les a mangées !

 

« Monkey Hanger » (« Pendeurs de singes »). C’est le surnom que l’on donne depuis le XIXe siècle aux habitants de la petite ville de Hartlepool située sur la côté est de l’Angleterre. Pour comprendre l’origine de ce surnom, il faut remonter à l’époque des guerres napoléoniennes pendant lesquelles Français et Anglais se livrèrent à un combat acharné, notamment par le biais de leur marine respective. La bande dessinée commence en 1814, alors que les habitants de Hartlepool constatent le naufrage d’un navire français sur leur plage et découvrent l’unique survivant de la catastrophe : le singe du capitaine. Celui-ci, vêtu d’un costume français pour l’amusement de son précédent maître, ne tarde pas à être emprisonné par les Anglais, certains d’avoir affaire à un espion français. Et pourquoi pas, se disent-ils ? Après tout, le prisonnier est laid comme un poux et on ne comprend rien à ce qu’il baragouine, c’est qu’il doit être français ! Vous voulez une autre preuve ? Figurez-vous qu’on lui a servi un repas de cuisses de grenouilles et d’escargots… et qu’il les a mangé ! Et puis un membre de la ville certifie qu’il s’agit là d’un Français, qu’il le reconnaît, et qu’importe si ce témoin n’est autre qu’un vieillard sénile et complètement myope. Les preuves sont là ! Il n’en faut pas plus aux habitants pour décréter avoir capturé un ennemi de la nation et le condamner à la mort par pendaison.

Le singe de Hartlepool planche 1

Si l’histoire prête d’abord à sourire, la chute et la morale qui s’en dégage n’est pas sans toucher le lecteur qui ne peut que s’apitoyer devant la bêtise de cette foule incapable de se rendre compte de sa bêtise, et surtout devant ce pauvre animal qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. Rien à redire, donc, en ce qui concerne le scénario de Wilfrid Lupano qui parvient habilement à mêler moments dramatiques et scènes plus légères, introduites en général par ce groupe de jeunes enfants qui suivent de loin la tragédie qui a lieu dans leur ville, trop occupés à jouer aux Anglais et aux Français. Les dessins de Jérémie Moreau sont eu aussi très convaincants et témoignent parfaitement de la naïveté de ces enfants et l’aspect grotesque de la situation mais aussi de la souffrance de ce singe dont les expressions désolées face à la bêtise des hommes à de quoi faire sourire et/ou pleurer. On peut également saluer la référence finale à l’un des plus grands scientifiques du XIXe siècle à qui l’on doit une théorie majeure concernant l’espèce simienne, preuve, s’il en faut, que l’intrigue a été habilement pensée par les deux artistes.

Le singe de Hartlepool planche 2

Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau signent avec « Le singe de Hartlepool » une fable mi comique, mi tragique dénonçant l’ignorance crasse et la bêtise d’une populace tellement abreuvée de notions patriotiques et nationalistes qu’elle en vient à devenir aveugle à tout, y compris au plus évident. Une farce qui donne à réfléchir et qui se lit avec beaucoup de plaisir.

Autres critiques : Eva (L’histoire en bulles)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

4 commentaires

  • Escrocgriffe

    Triste histoire, après quelques recherches la réalité pourrait être encore plus sombre : sur un navire, le « singe à poudre » désignait l’enfant chargé d’amener de la poudre au canon. C’était banal dans la Marine du XVIII-XIXe siècle. Il n’est pas impossible que dans ce contexte de guerre (Napoléon souhaitant envahir l’Angleterre), ces gens aient exécuté le seul survivant du navire 🙁

  • Stéphanie

    C’est souvent ce qui arrive quand on ne connait pas les gens, on accuse sans preuve. Il faudrait apprendre à se connaitre pour pouvoir vivre ensemble.
    En ce qui concerne la bd, les dessins que tu as mis ici sont vraiment très joli. Je pense que je vais l’ajouter à ma wish list car, je pense pouvoir aimer ce genre de bd.
    Merci pour cette découverte

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